Les clauses de garantie en cas de cession de droits sociaux

Les clauses de garantie en cas de cession de droits sociaux

Published on : 10/11/2020 10 November Nov 11 2020

L’importance d’une rédaction claire et précise


Afin de pallier la protection limitée offerte par le droit commun des contrats et le droit spécial de la vente en matière de cession de droits sociaux, la pratique a développé des clauses spécifiques destinées à prémunir l’acquéreur contre une diminution de la valeur des droits sociaux en raison de l’apparition, à une date postérieure à l’acquisition, d’un évènement ayant une cause antérieure à cette date qui aurait pour effet, directement ou indirectement, d’augmenter le passif ou de diminuer l’actif de la société acquise et, partant, la valeur des droits sociaux acquis.

Ces clauses dites « de garantie », désormais courantes dans les opérations de cession de droits sociaux aboutissant à une cession de contrôle, font souvent l’objet de contentieux. Tel est le cas dans l’espèce ayant donné lieu à un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. com., 7 juillet 2020, n° 18-19.230, F-D). 

Un acte de cession de parts sociales assorti d’une clause de garantie prévoyait une indemnisation de l’acquéreur si les comptes de la société cédée faisaient apparaitre à une date déterminée un écart négatif de plus de 20.000 euros par rapport à une balance comptable arrêtée un mois plus tôt, étant précisé que la clause stipulait que le prix de cession avait été fixé en considération de l’actif et du passif de la société au moment de la détermination du prix.

L’acquéreur ayant fait valoir l’existence d’un écart négatif supérieur à 20.000 euros, a demandé l’exécution de la garantie, ce que le cédant a contesté. 

La Cour d’appel a donné raison au cédant au motif que, dans la mesure où les parties n’avaient pas stipulé dans le contrat de cession les modalités de détermination de la valeur des parts sociales, elles avaient rendu impossible le calcul de l’impact de l’écart constaté dans les comptes sur la valeur des parts. 

Au visa de l’ancien article 1134 alinéa 1 (devenu 1103) du Code civil, qui dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont conclus, la Cour de cassation a cassé cet arrêt pour violation de la loi : en effet, en conditionnant la mise en œuvre de la garantie à la démonstration d’une diminution de la valeur des parts sociales cédées, la cour d’appel a ajouté des conditions qui ne figuraient pas au contrat de cession. 

Autrement dit, la Haute Juridiction a considéré que la clause de garantie était stipulée de façon suffisamment claire et précise pour permettre sa mise en œuvre sans que le juge du fond n’ait besoin d’interpréter. 

L’intérêt de l’arrêt est de rappeler un principe fondamental d’interprétation des conventions qui interdit au juge d’interpréter les clauses claires et précises d’un contrat sous peine de dénaturation : peu importe l’esprit dans lequel la garantie a été mise en œuvre (le maintien de la valeur des parts), dès lors que les stipulations de la convention sont rédigées d’une manière suffisamment claire pour se suffire à elles-mêmes, l’interprétation n’a pas sa place. 

En filigrane, se précise également la distinction entre une clause de révision de prix (qui aurait nécessité que la mise en jeu de la garantie soit conditionnée à la démonstration de l’incidence de l’écart négatif sur la valeur des parts) et une clause de garantie d’actif et de passif (qui nécessite la seule démonstration de l’apparition… d’un passif). 

Or, cette distinction n’est pas neutre :  dans le cadre d’une clause de révision de prix le cédant n’est tenu d’indemniser l’acquéreur qu’à hauteur du prix de cession, alors qu’une garantie d’actif et de passif (dite de type « indemnité ») engage le cédant à l’intégralité du passif ainsi survenu, sauf stipulation contraire dans la convention de cession ou limitations conventionnelles (durée, franchise, seuil, plafonds, exclusions).   

On ne saurait par conséquent que trop recommander, selon le cas, au cédant ou au cessionnaire concerné par une cession de droit sociaux de s’interroger et veiller à déterminer s’il est souhaité une garantie de révision de prix ou indemnitaire, les conséquences fiscales étant par ailleurs spécifiques dans chaque cas.

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