Déséquilibre significatif affectant les droits et obligations des parties à un contrat : A chaque contrat sa règlementation … et ses incertitudes - Actualité Distribution / Concurrence / Contrats - Mars 2022

Déséquilibre significatif affectant les droits et obligations des parties à un contrat : A chaque contrat sa règlementation … et ses incertitudes - Actualité Distribution / Concurrence / Contrats - Mars 2022

Published on : 11/04/2022 11 April Apr 04 2022

Le déséquilibre significatif de l’article 1171 du Code civil s’efface au profit de l’article L. 442-1, 2° du code de commerce 
 
  • Selon l’article L. 442-1-2° du code de commerce, toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services engage sa responsabilité par le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
  • L’article 1171 du code civil, nouveauté introduite par la réforme de 2016, dispose que : « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite».

Dans le silence de la loi, il était permis d’envisager que tout professionnel dispose d’une option lui permettant de fonder ses prétentions sur l’un ou l’autre des deux articles.

Par un arrêt du 26 janvier 2022 (n°20-16.782), la Cour de cassation s’est enfin prononcée sur l’articulation entre les articles 1171 du code civil et L. 442-1, 2° (anciennement L. 442-6, I, 2°) du code de commerce visant tous deux à sanctionner l’existence d’un déséquilibre significatif dans le contrat. La Cour de cassation a définitivement tranché la question de l’articulation de ces deux dispositions, décidant à propos d’un contrat de location financière que l’article 1171 du code civil s’applique aux contrats ne relevant pas de l’article L. 442-1, 2° du code de commerce.
 

L’application résiduelle aux professionnels du déséquilibre significatif de l’article 1171 du code civil


Faisant application du principe selon lequel le droit spécial déroge au droit général, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel concernant l’applicabilité de l’article 1171 du code civil au contrat de location financière.
La Cour affirme que la distinction entre le déséquilibre significatif de droit commun et de droit commercial ne tient pas à la qualité de commerçant des parties, mais à  la nature du contrat, s’il est soumis à une réglementation qui le place en dehors du droit des pratiques restrictives de concurrence dont relève l’article L. 442-1, 2° du code de commerce (en l’espèce, le contrat de location financière était soumis aux dispositions de l’article L. 311-2 du code monétaire et financier).

L’article 1171 du code civil s’appliquera donc dans de rares hypothèses, dont le contrat de location financière entre un établissement de crédit et une société de financement fait partie. Cette solution devrait plus généralement concerner les « organismes et activités bancaires et financiers », mais également les baux commerciaux, les relations entre un groupement d'intérêt économique (GIE) et l'un de ses membres et les relations entre une société coopérative de commerçants détaillants et ses adhérents.
 

L’application quasi-systématique entre professionnels de l’article L. 442-1, 2° du code de commerce


Dans la très grande majorité des cas, le déséquilibre significatif invoqué par un professionnel à l’encontre d’un autre sera fondé sur l’article L. 442-1, 2° du code de commerce, applicable à « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » depuis l’ordonnance du 24 avril 2019.

Deux conditions doivent être réunies cumulativement : la soumission ou tentative de soumission  et un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
  • L’auteur de la pratique doit soumettre ou tenter de soumettre son cocontractant aux stipulations du contrat. La jurisprudence considère que la soumission ne peut être déduite de la seule puissance de négociation dont dispose l’une des parties. Celle qui se prétend victime doit donc démontrer non seulement l’absence de négociation effective des clauses litigieuses, mais aussi la volonté de l’autre partie d’imposer le contrat sans négocier
C’est par exemple le cas lorsque « les clauses litigieuses [sont] insérées dans tous les contrats signés par les fournisseurs, lesquels ne disposaient pas du pouvoir réel de les négocier ». Dans une affaire récente la Cour d‘appel de Paris a ainsi constaté que la totalité des contrats de franchise analysés étaient identiques, pour en conclure qu’il y avait soumission des franchisés par le franchiseur (CA Paris, 5 janvier 2022, n°20/00737 ; Pizza Sprint - Domino’s Pizza).
  • Il doit en résulter un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En matière commerciale, il est admis que ce déséquilibre peut porter sur les éléments concourant à la fixation du prix, contrairement aux dispositions de droit commun qui l’excluent expressément. 
En principe, les juges apprécient l’équilibre du contrat dans sa globalité : une clause défavorable à l’une des parties peut être rééquilibrée par une autre, stipulée en sa faveur, empêchant ainsi le contrat de tomber sous le coup du déséquilibre significatif.
La cour d’appel dans l’arrêt du l’arrêt du 5 janvier 2022 (voir ici le communiqué de la DGCCRF) précité a annulé plusieurs clauses du contrat de franchise Sprint Pizza dont la clause de résiliation du contrat pour changement de contrôle du franchisé au motif que cette clause ne prévoit pas la réciprocité en cas de changement de contrôle du franchiseur (sanction qui apparait critiquable à plusieurs égards). Elle a aussi annulé les clauses d’approvisionnement et de stock minimum dont la combinaison créait de facto un engagement d’approvisionnement exclusif auprès d’un fournisseur appartenant au groupe du franchiseur ; la Cour relève que ces deux clauses n’étaient pas équilibrées par d’autres clauses du contrat et ne trouvaient pas dans leur mise en œuvre de justification quant à la préservation de l’homogénéité du réseau ou à la transmission du savoir-faire. Même si la portée de la sanction devrait être limitée au cas d’espèce car les franchisés ne semblaient pas connaitre cette appartenance et les prix pratiqués par le fournisseur référencé étaient bien au-dessus du prix de marché, il demeure que ces annulations créent une insécurité pour les cocontractants et notamment les têtes de réseaux.
 
Concernant les sanctions, l’article L. 442-1, 2° du code de commerce prévoit que l’auteur de la pratique engage sa responsabilité délictuelle. La partie lésée, outre des dommages et intérêts, peut demander la cessation des pratiques, la nullité des clauses ou du contrat illicite(s) et la restitution des avantages indûment perçus par son cocontractant. Le ministre de l’Economie peut quant à lui solliciter le prononcé d’une amende civile (par ex. 500.000 € dans l’affaire Pizza Sprint), la cessation des pratiques et la restitution des avantages indus.
     

Points clefs à retenir : 

 
  • Proposer aux cocontractants de faire valoir leurs observations  et suggestions sur les termes et conditions du projet  de contrat … et garder la preuve de la négociation (ou du refus de négociation) ;
  • Identifier formellement  la contrepartie, en des termes économiques, juridiques ou pratiques, de chaque clause sensible du contrat.
  

L’assistance d’Altaïr Avocats :

 
  • Audit de contrats de distribution, franchise et licence ;
  • Accompagnement lors de la préparation de contrat-type pour des réseaux et négociation de contrats ; 
  • Assistance dans le cadre d’enquêtes de l’Autorité de la concurrence, de la DGCCRF et des DREETS ; 
  • Représentation dans le cadre de procédures contentieuses devant les autorités de concurrence et judiciaires en matière de pratique restrictive de concurrence.

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