Crise du COVID-19 et respect des baux commerciaux
Indépendamment des dispositions applicables pendant la période juridiquement protégée (cf 1ere partie), le bailleur et le preneur doivent déterminer s’ils peuvent s’exonérer de leurs obligations contractuelles pendant la période de confinement, voire sur une période plus large.
La force majeure
Il est tentant pour un locataire d’invoquer la force majeure pour suspendre le paiement de ses loyers. Sous réserve d’un aménagement contractuel, l’événement invoqué comme force majeure doit être hors du contrôle de celui qui l’invoque, être (raisonnablement) imprévisible au jour de la conclusion du contrat. Il doit aussi être irrésistible et à ce titre empêcher directement et réellement l’exécution de l’obligation est en cause. La loi française ajoute que l’événement doit avoir des effets qui ne peuvent être évités par des mesures appropriées.
En outre, s’agissant des loyers, la Cour de cassation juge que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. Dès lors, même si le locataire a subi le contrecoup immédiat de la crise du Covid19 et n’a pas de trésorerie, il ne pourra pas invoquer cette crise, comme force majeure, pour suspendre le paiement de son loyer.
Délivrance du local et exception d’inexécution
Le locataire pourrait plutôt rechercher à travers la crise du Covid19 une défaillance de son propre bailleur l’autorisant à ne pas payer son loyer. Il pourrait alors invoquer une exception d’inexécution qui doit être temporaire et proportionnée à l’inexécution de l’autre partie. Reste dès lors à caractériser la défaillance du bailleur au regard de ses obligations essentielles qui sont d’une part l’obligation de délivrance du local et d’autre part la garantie de la jouissance paisible de celui-ci. Force est cependant de constater que contrairement à ce qui a pu être annoncé un peu rapidement, la fermeture ordonnée des points de vente ou l’interdiction pour un local d’accueillir du public ne constitue une violation ni de l’obligation de délivrance ni de la garantie de jouissance paisible.
D’une part l’obligation de délivrance n’est pas une obligation absolue ; elle s’entend de la délivrance d’un local qui doit, matériellement, permettre l’exercice de l’activité pour laquelle la location est prévue. En l’occurrence le local est toujours présent et en état. Si on se réfère aux jurisprudences antérieures, l’obligation de délivrance porte plus sur des défauts d’entretien ou une inadéquation du local loué à l’activité envisagée contractuellement. La seule exception concernerait les centres commerciaux qui doivent garantir aux exploitants des locaux un libre accès à leur magasin : la fermeture des centres pourrait constituer une violation de l’obligation de délivrance par le centre commercial… autorisant alors la suspension des loyers (mais probablement pas l’allocation de dommages et intérêts car le centre pourrait de son côté invoquer la force majeure).
D’autre part, s’agissant de la garantie de jouissance paisible, la jurisprudence retient traditionnellement que le bailleur ne garantit le locataire que contre son fait personnel et non contre le fait de tiers tels que des voisins ou manifestants.
En d’autres termes, une décision de fermeture d’une autorité publique ne pourrait autoriser un locataire à suspendre le paiement de ses loyers que si cette décision est fondée sur une défaillance du bailleur.
Changement imprévisible de circonstances
L’imprévision (art. 11195 Code civil) permet, sous certaines conditions, à l’une des parties de solliciter de l’autre partie puis auprès du juge, la réadaptation du contrat en cas de déséquilibre financier.
Il est fort probable que pour nombre d’exploitants de locaux commerciaux, le confinement et plus largement la crise du Covid19 constituent un changement imprévisible rendant l’exécution du bail excessivement onéreuse, dans la mesure où le preneur devrait payer les loyers sans pouvoir exploiter son local. Mais la voie est étroite car d’une part il faut par principe continuer à payer le loyer pendant la phase de négociation et d’autre part il faut qu’il y ait une véritable négociation de bonne foi entre les parties.
Cela étant, invoquer l’imprévision devrait obliger les deux parties à se rapprocher pour comprendre leurs problèmes et contraintes respectifs. Le recours à la médiation, dès le début des difficultés, pourrait en outre permettre aux deux parties de se donner plus de chance de trouver un accord amiable en faisant appel à un médiateur et éviter ainsi une procédure judiciaire.
Christophe Héry ,Expression Acheter Louer n* 75
History
-
La publication des comptes d’une société unipersonnelle ne viole pas le droit à la protection de la vie privée
Published on : 21/07/2020 21 July Jul 07 2020Droit des sociétés / Droit des sociétés commerciales et professionnellesUn juge chargé de la surveillance du RCS du tribunal de commerce de Nanterre...Source : www.gazette-du-palais.fr
-
Fusion-Acquisition : l'audit en amont
Published on : 16/07/2020 16 July Jul 07 2020Droit des sociétés / Fusions et acquisitionsors d’une fusion-acquisition, la DSI doit être embarquée très en amont du pro...Source : www.itforbusiness.fr
-
Intervention de Christophe HERY lors de l'atelier virtuel "Explorer des modes de présence à l'international plus légers et plus coopératifs"
Published on : 10/07/2020 10 July Jul 07 2020Publications et SéminairesChristophe HERY a co-animé hier, avec Jean-Paul David, Mercadex Europe, un at...
-
Quelles perspectives post-Covid-19 pour le marché des fusions-acquisitions ?
Published on : 08/07/2020 08 July Jul 07 2020Droit des sociétés / Fusions et acquisitionsAu début de la crise sanitaire, les fonds d’investissement se sont concentrés...Source : www.entreprendre.fr
-
Crise du COVID-19 et respect des baux commerciaux
Published on : 07/07/2020 07 July Jul 07 2020Publications et SéminairesIndépendamment des dispositions applicables pendant la période juridiquement...
-
Levée de fonds de inHEART en série A de 3.7M€ auprès d’Elaia Partners et de la SATT Aquitaine Science Transfert
Published on : 06/07/2020 06 July Jul 07 2020DealsGrâce à cette levée de fonds, inHEART va accélérer son développement commerci...
-
Financement et structuration de l'acquisition du Navire Châteaubriand III par P.A. Princess Agnes
Published on : 03/07/2020 03 July Jul 07 2020DealsAltaïr Avocats a conseillé P.A. Princess Agnes et son dirigeant, Monsieur Ya...
-
Vers des fusions-acquisitions à moins haute valeur ajoutée
Published on : 01/07/2020 01 July Jul 07 2020Droit des sociétés / Fusions et acquisitionsAnne-Sophie Thelisson, docteur en sciences de gestion, chercheur à l'Esdes, l...Source : www.lessor42.fr
-
Levée de fonds de Sky’in Lab auprès de Galia Gestion, Multicroissance – Banque Populaire Occitane, et GSO Innovation - Crédit Agricole
Published on : 01/07/2020 01 July Jul 07 2020DealsAltaïr Avocats a conseillé les investisseurs sur les aspects corporate de ce...