Contrat de distribution exclusive et nouvelles règles européennes en matière de restrictions verticales- Actualité Distribution / Concurrence / Contrats - Mai 2022

Contrat de distribution exclusive et nouvelles règles européennes en matière de restrictions verticales- Actualité Distribution / Concurrence / Contrats - Mai 2022

Published on : 01/06/2022 01 June Jun 06 2022

Les relations entre fournisseurs et distributeurs font l’objet d’un encadrement toujours plus précis, tenant compte de l’évolution des modes de distribution et de consommation et notamment du développement du commerce électronique, tant au niveau français qu’européen. Considération prise de la nécessité d’adapter son texte phare en vigueur depuis 2010, la Commission européenne a publié le 10 mai 2022 son nouveau règlement d’exemption des accords verticaux, accompagné de ses nouvelles lignes directrices.  
                                                   

Le nouveau cadre européen d’exemption des accords verticaux

La prohibition des accords inter opérateurs économiques indépendants figure parmi les dispositifs centraux de protection et de régulation du marché au sein de l’Union européenne. A ce titre, l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») interdit en son paragraphe 1er tout accord exprès ou implicite ayant, selon la formule consacrée « pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ». Cette interdiction vise les pratiques constatées tant à un niveau horizontal (entre concurrents opérant sur un même marché) que vertical (entre opérateurs intervenant à différents niveaux de la chaîne de conception/production/distribution) plus communément appelées « ententes » horizontales ou verticales. 

Outre la nullité encourue par un tel accord, les contrevenants s’exposent au prononcé d’une amende administrative dont le montant peut culminer à 10% du chiffre d’affaires annuel mondial du groupe ou de l’entreprise incriminée.

La rigueur du dispositif est toutefois tempérée par plusieurs mécanismes d’exemption, fondés sur un bilan coût-avantage pour le marché et les consommateurs de la pratique mise en cause. A ce titre, l’article 101 paragraphe 3 du TFUE permet d’exempter les accords prohibés par le paragraphe 1er, sous réserve de la démonstration que (i) ceux-ci ont un impact positif sur le marché et (ii) qu’une proportion équitable du profit retiré est réservée aux consommateurs.
Cette exemption permet de viser tant des pratiques individuelles que des catégories d’accords ; ainsi, la Commission européenne a-t-elle été conduite à adopter plusieurs règlements d’exemption catégoriels, parmi lesquels figure un règlement spécifiquement applicable aux accords verticaux (distribution, franchise, etc.). 

Au cours des douze dernières années, le texte portant exemption catégorielle desdits accords verticaux était le Règlement (UE) n°330/2010 du 20 avril 2010, arrivant à expiration le 31 mai 2022. C’est pourquoi le 10 mai 2022, la Commission a adopté un nouveau cadre : le Règlement (UE) n°2022/720 concernant l’application de l’article 101 paragraphe 3 du TFUE à des catégories d’accords verticaux qui entrera en vigueur le 1er juin 2022 (le « Règlement »). Les Lignes directrices précisant les conditions d’application dudit Règlement ont été publiées le même jour, dans leur version anglaise. 

Si de nombreuses dispositions-clés du règlement n°330/2010 ont été conservées, à l’instar du seuil de sensibilité de 30% de parts de marché en deçà duquel un accord vertical sera susceptible d’être exempté, un certain nombre d’innovations permettent de clarifier et d’actualiser les éléments offrant le bénéfice de l’exemption catégorielle. 

Les règles de droit de la concurrence applicables aux contrats de distribution exclusive 

Les réseaux de distribution exclusive bénéficient à plusieurs égards des innovations apportées par ce nouveau Règlement, qui intègre des tolérances nouvelles relatives aux modes d’organisation des canaux exclusifs. 

Structuration du réseau : 

  • Possibilité d’une exclusivité partagée entre plusieurs distributeurs (jusqu’à 5), sur un même territoire donné ou pour un groupe de clients défini ; 
  • En cas de cumul par la tête de réseau de réseaux de distribution exclusive et sélective, possibilité de restreindre les ventes actives ou passives d’un distributeur exclusif réalisées auprès de distributeurs non agréés sur le territoire d’un distributeur sélectif ;
  • Possibilité de restreindre les ventes actives du distributeur exclusif et de ses clients directs sur un territoire ou à un groupe de clients que le fournisseur s’est réservés ou qu’il a alloués à titre exclusif à un nombre maximal de cinq autres distributeurs exclusifs ;
  • Les clauses interdisant au distributeur des ventes passives (c’est-à-dire non sollicitées) hors du territoire ou de la clientèle concédés demeurent prohibées par le Règlement ;
  • Possibilité de restreindre les ventes actives ou passives aux utilisateurs finals par un distributeur exclusif agissant en tant que grossiste sur le marché ;
  • Possibilité de restreindre la capacité du distributeur exclusif à vendre activement ou passivement des composants destinés à l’incorporation à des clients qui pourraient les utiliser pour la fabrication de biens analogues à ceux qui sont produits par le fournisseur ; 
  • Possibilité d’instaurer un système de distribution duale (la tête de réseau vendant tant à ses distributeurs qu’aux clients finaux).  Le Règlement prévoit que les échanges d’informations intervenant dans une situation de double distribution peuvent désormais être exemptées si l’échange d’informations en résultant est (i) directement lié à sa mise en œuvre, et (ii) nécessaire pour améliorer la production ou la distribution des biens ou services (certains exemples d’échanges d’informations exemptés ou non dans cette situation sont listés respectivement aux § 99 et 100 des lignes directrices). 

Engagements de non-concurrence :

  • La Commission a également fait le choix d’assouplir les modalités de renouvellement des engagements de non-concurrence (pendant le contrat): désormais, ces obligations peuvent faire l’objet d’un renouvellement tacite au-delà de la durée classique de 5 ans, sous réserve de préserver la faculté du distributeur de renégocier ou résilier le contrat de distribution : il s’agit de faciliter la poursuite des relations contractuelles, et non de forcer l’acheteur à s’y maintenir ;
  • Le Règlement exempte aussi les engagements de non-concurrence post-contractuelle si l’obligation :
    • concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels,
    • est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat,
    • est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur et, 
    • est limitée à un an à compter de l’expiration du contrat.

Politique tarifaire :

  • Les têtes de réseaux resteront attentives à ce que leurs politiques tarifaires ne fassent pas transparaître une tentative d’imposition de prix minimum de revente, que ce soit directement ou indirectement (notamment par l’intermédiaire de prix minimum annoncés), celle-ci restant fermement qualifiée de restriction caractérisée.
  • Une tête de réseau de distribution peut désormais choisir d’appliquer un système tarifaire de double prix de gros différencié selon que la revente de ses produits est effectuée en ligne ou hors ligne par le distributeur, le Règlement exemptant désormais les systèmes de double prix, sous réserve que (i) le double prix vise à encourager ou à récompenser un niveau d’investissement adéquat, en rapport avec les coûts liés à chaque canal ; et (ii) le double prix ne vise pas à restreindre la possibilité pour le distributeur de vendre les produits en ligne, ce qui constituerait une restriction caractérisée. Le nouveau Règlement vient donc au soutien des magasins physiques tout en encourageant la vente en ligne.

L’assistance d’Altaïr Avocats :

  • Audit de conformité des contrats aux règles de concurrence
  • Assistance dans la mise en place, le développement et/ou la restructuration de réseaux de distribution exclusive ou sélective et de franchise ; 
  • Accompagnement dans le cadre d’enquête des autorités de concurrence ;  
  • Représentation dans le cadre de procédures contentieuses devant les autorités de concurrence (procédure au fond et demande de mesures provisoires visant à empêcher qu’un comportement anticoncurrentiel n’entraîne de dommages irréversibles) et judiciaires.

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